Depuis le début je suis partagée entre vouloir continuer à maîtriser un tant soit peu les choses et mon corps, me renseigner sur ce qu'il faut faire...
Et le strict opposé, laisser faire la nature, et prendre chaque jour l'un après l'autre parce qu'ya rien de plus naturel comme phénomène. Avec son lot de bonnes et surtout de mauvaises surprises.
Évidemment tu me connais j'ai misé sur la 2e technique.
Depuis le début pour chaque "désagrément " (avoir tellement mal au dos au point de ne plus pouvoir marcher pendant des semaines je sais pas si c'est juste un "désagrément") on me dit, avec un petit regard de compassion "ah oui... C'est normal... Mais c'est juste un mauvais moment après ça passe."
Ok sauf que depuis 8 mois je les enchaîne ces "mauvais moment " et yen a toujours un nouveau qui se pointe. Ça s'arrête quand en vrai???
Quand je me traînais dans la rue, tant bien que mal avec mon énorme ventre, je voyais bien le regard des nouvelles mères avec leurs poussettes, le "oui je sais sous-entendu allez courage" (c'est que le début)
Donc tellement programmée en mode "nature" tu contrôle que dalle, pas la peine de lutter, prend chaque minute, chaque heure les unes après les autres sans te poser de questions... Bah mine de rien j'ai souffert pendant 45h pour soit disant faire la plus belle chose de ma vie.
Ce qui n'est pas dur vu que je n'ai pas fait grand chose d'extraordinaire dans ma vie, comme tout le monde hein. Je sais pas si je dirais que c'est une "belle" chose, juste que je suis entrée désormais dans une caste. Celles qui se sont faites ouvrir en 2, celles qui ont enduré la douleur la plus intense du monde. (Je me foutais déjà de sa gueule quand il se roule par terre parce-qu'il s'est mordu la langue... Après ce que j'ai enduré, le pauvre, à moins que je vois son tibia hors de sa jambe, qu'il ne s'avise pas de se plaindre en disant qu'il a "mal")
Même si on t'explique, les contractions, la durée etc... Ça fait 3 semaines qu'on me demande si j'ai senti ci ou ça. Comment tu veux que je sache te décrire un truc que j'ai jamais ressenti????
Mais quand un samedi soir je vais me coucher et qu'à minuit je commence à avoir des crampes j'ai finalement vite compris.
Ce que j'ai surtout vite compris c'est que normalement les premiers contractions elles sont sensées être espacées et se rapprocher petit à petit. Bah non perso elles ont été aux 5 min dès le début. Pendant 24h.
Jte laisse imaginer mon état la nuit suivante. N'en pouvant plus, pas au niveau de l'intensité mais plutôt de la longueur et du niveau de fatigue, j'appelle l'hosto à 1h du mat pour leur expliquer ma situation, et que je sature un peu là.
Elle me répond : prend un bain.
...
Alors comment te dire? Je suis pliée en 2 de douleur depuis 24 putain d'heures, je suis plus qu'énorme, j'ai perdu pas mal de mobilité et de souplesse, et tu me demandes d'aller tranquillement me coincer dans une baignoire?
Est-ce que j'ai l'air d'avoir envie d'un moment détente au spa??? A 2h du matin????
Bon je l'ai fait. Avec la peur de me coincer les genoux et de pas pouvoir me relever... 10 min ça n'a rien calmé du tout hein je le savais!!!
Donc lundi 02h30 on y va. Dans une drôle d'ambiance. A la fois impatiente, en mode J'en peux plus sortez moi ce machin. Mais à la fois morte de trouille. Et toujours à l'esprit, rester calme surtout, ne pas s'énerver sinon ça amplifie la douleur.
Alors l'autre on lui a dit de faire les choses calmement, et il le fait, ça il prend bien son temps.
!!!!!!
Je lui demande d'activer un peu, que ça fait 6 fois qu'il vérifie tout, je crois que c'est bon on peut y aller. "oui mais on a dit de pas s'énerver"
Sauf qu'accessoirement je sais pas si t'as remarqué mais je douille ma race là, si tu pouvais t'activer un peu ça me soulagerait pas mal........
Arrivés devant la porte de l'hôpital, la porte est fermée avec une affiche "se présenter aux urgences après 01h30 du matin".
Il est 02h30.
Avec la valise et ma démarche de lépreuse... La porte s'ouvre comme par magie. J'aurais embrassé le monsieur sécurité à qui j'ai dû faire pitié.
Ensuite faut monter au 7e étage. Pour faciliter les choses aux futures mères qui ne peuvent plus marcher en plein travail, ils se sont dit pour le fun qu'ils allaient mettre les ascenseurs pour acceder au 7e étage toooout au fond du bâtiment. Merci.
Ensuite j'arrive au triage.
C'est le moment de la jouer fine parce-que c'est là qu'elles jugent si t'es ok, ou elles peuvent décider de te renvoyer chez toi en disant non c'est trop tôt.
Elle m'installe sur un lit avec le moniteur, j'entends les râles d'une autre fille derrière le rideau à côté. Totalement désynchronisé avec moi ce qui aide pas du tout.
J'attends comme ça quasi 1h qu'une interne de garde (très jolie au demeurant) vienne me dire vous êtes seulement à 3... (Oh putain seulement!!! Tout ça pour rien???) soit on provoque pour accélérer, soit on vous donne de la morphine pour que vous puissiez dormir un peu et reprendre des forces.
Morphine!!!!!!!!!
Je n'ai donc non pas "dormi" parce-que je sentais quand même chaque contraction (je demande donc l'intérêt de ce procédé) mais j'ai pu fermer les yeux pendant 4h.
C'est déjà ça.
Pour au final gagner 1 cm. Yeah! Magnifique perte de temps!!!!
Dans notre culture les filles ça porte des jupes, ça nous éduque pour se tenir bien, droite, un peu coincée, les jambes fermées.
Sauf que perso, être enceinte, c'est accepter de montrer tout ça à tout le monde. Depuis 3 semaines la moitié du Québec est venu regarder entre mes jambes, voire carrément y mettre les doigts c'est sûr que t'es un peu obligé de mettre de côté tes restes de pudeur.
Je sais pas si c'est la douleur mais j'avoue qu'au bout d'un moment, tu t'en fous et tu laisse la voie libre à pratiquement n’importe qui, pourvu "qu'on me sorte ce machin de là!!!!!'"
Ensuite elles ont défilé, comme les heures et l'absence d'avancement concret.
Mais Caroline ma dernière infirmière,je la porterai dans mon coeur et l'aimerais jusqu'à la fin de ma vie tant son soutien son aide ses techniques anti douleur (lol hein, pas vraiment "anti", juste pour essayer de passer au travers sans s'évanouir nuance)
Tellement professionnelle tellement parfaite cette femme.
Plus Aucune notion du temps j'avais à ce moment là, Faut pas oublier aussi que la présence du père. Depuis 10 ans j'avais réussi, malgré la vie commune les vacances dans des hôtels miteux etc à conserver une certaine intimité
Or là forcément... Ça casse un peu le jardin secret. Une journée à te voir les pattes écartées, dans toutes les positions possibles et imaginables, pas vraiment au top du raffinement lorsque dans la phase finale t'es plus du tout toi même, un peu en mode exorciste... A pleurer, crier, avoir envie de mourir...
Puis le après, 3 jours à voir des tas d'inconnus entrer dans la chambre, poser des questions si t'as bien fait caca, si les litres de sang que tu perds sont d'une belle couleur, si tu veux pas plutôt un stérilet, que tu passes 3 jours sans prendre de douche... Forcément la princesse elle en prend un coup.
Sans parler du retour à la maison, où tu te traines péniblement, les nichons à l'air les 3/4 de la journée. Après tout ce qu'il a vu/entendu je vois pas comment il peut être attiré sexuellement. Même s'il te raconte la venue de son fils comme la plus belle chose au monde (ah tiens...)
Un gros merci à l'infirmière chargée de la nuit, de venir à 2h du mat' prendre ma tension et la sienne. C'est sûre que c'est vraiment le moment, on n'est pas du tout en train d'essayer de dormir...
Je passerai sur l'épisode de ma première sortie (aka juste marcher dans le couloir, pas plus loin que ça), quand j'ai eu une crise de larmes incontrôlée à la machine à glaçons, que les infirmières me sont tombées dessus comme si j'avais fait un avc, et qu'ensuite elles m'ont même envoyé une assistante sociale...
un peu excessif non?
Alors oui la seconde où on m'a jeté ce pti machin sur le ventre, c’était "mon" bébé, à la fois flippée, étonnée, contente, avec un vague espoir qu'on allait m'en débarrasser... Un bon gros mélange d'émotions. Bref tout le contraire de ce que j'imaginais.
Je me suis adoucie. Enfin mes hormones ont fait de moi quelqu'un de gentil.
C'est sûr que oui désormais quelque-chose tout a changé. La caste des "parents". Comme avoir une autre identité.
Je sais pas si c'est parce-que c'est encore trop frais, mais quand hier dans How to get away with murder, ya la scène de la césarienne, puis du bébé mort né, puis qu'on lui met dans les bras... Là... j'ai tourné la tête les yeux pleins de larmes. Ce genre de truc je ne peux plus.
Oups spoiler...
je pleurais deja devant des bebes animaux même des faux en dessinimés, mais là ne me montre plus des humains. un truc dans le cerveau doit faire le lien avec le mien et ça me dechire en mille.
la caste des parents jte dis.